S’endetter pour se protéger de l’inflation 

Jan Longeval est le propriétaire de Kounselor Consulting et conseiller principal chez Eurinvest Advisor. Il a donné son point de vue dans le Trends-Tendances sur l’impact de l’inflation sur les différents actifs, ainsi que sur les moyens de s’en protéger. 

 

8 Septembre 2022, Trends-Tendances

 

Les investisseurs ne savent plus à quel saint se vouer. L’inflation a atteint 10 % et il ne semble exister d’investissement capable d’offrir un rendement supérieur à l’inflation. Il est vrai que les actions protègent contre l’inflation, car les entreprises peuvent répercuter l’inflation sur leurs prix de vente, mais seulement à très long terme. À court et moyen terme, les cours des actions s’envolent dans toutes les directions. Pendant la stagflation des années 1970, le marché boursier a progressé de 6 % par an, mais est resté loin derrière l’inflation. L’or a certes occupé la première place, mais cela était davantage dû au chaos économique et politique de l’époque qu’à une forte inflation. L’or, plus encore que les actions, n’offre une protection contre l’inflation qu’à très long terme. Quiconque croit que la vague inflationniste actuelle sera également accompagnée de chaos peut en effet acheter de l’or comme protection. Dans un contexte de hausse des taux, ceux qui n’y croient pas ont intérêt à s’en éloigner. Et le nouvel or, la crypto ? Restons sérieux.

Lorsque les banques centrales maintiennent les taux d’intérêt artificiellement bas, les liquidités et les obligations sont des investissements désastreux en période de forte inflation. Aux États-Unis, la banque centrale relève les taux d’intérêt à court terme pour les porter à 4 % afin de ralentir la surchauffe de l’économie, mais ces taux restent très inférieurs à l’inflation. La banque centrale européenne va encore relever ses taux d’intérêt à court terme pour les porter à 1 ou 1,5 %, mais pas beaucoup plus. Après tout, des taux d’intérêt plus élevés ne résoudront pas le problème de l’inflation en Europe, qui est lié aux prix exorbitants de l’énergie. Le marché obligataire n’offre pas non plus de réconfort. Le rendement d’une obligation étatique belge à 10 ans est d’un maigre 2,2%. L’Europe, contrairement aux Etats-Unis, ne peut tout simplement pas supporter des taux d’intérêt plus élevés. L’Italie, l’éléphant dans l’édifice en porcelaine appelée Union monétaire européenne, a une dette publique de 3 000 milliards d’euros. Ceux qui investissent dans des liquidités et des obligations sont confrontés à une perte structurelle de pouvoir d’achat. Mais si nous inversions la situation ?

L’inflation joue en faveur du débiteur, surtout lorsque le taux d’intérêt est inférieur au taux d’inflation. Plutôt que d’investir aujourd’hui dans les dettes des autres (les obligations), il est préférable de s’endetter soi-même. Idéalement, la somme empruntée devrait être investie dans un actif peu volatil dont la valeur suit l’inflation. Et puis, on se retrouve inévitablement avec un immeuble résidentiel belge, à condition de respecter des principes sains. La règle est qu’un logement est considéré comme neuf s’il a moins de dix ans. Pendant cette période, la valeur du logement augmente en fonction du coût de la construction, mesuré par l’indice ABEX. Au 1er juillet, cet indice est de 954, soit un bon 11% de plus qu’au début de 2021, identique à l’inflation générale. Après 10 ans, l’usure se produit et l’évolution de la valeur est inférieure à l’inflation. Il faut donc opter pour des logements neufs extrêmement efficaces sur le plan énergétique, surtout à une époque où les coûts énergétiques sont hors de contrôle. Le loyer peut légalement être indexé sur l’indice de santé.

Bien entendu, un investissement dans l’immobilier résidentiel direct n’est pas sans risque. Ceux qui investissent en direct plutôt que par l’intermédiaire d’un fonds doivent faire face à des coûts de gestion non négligeables, ainsi qu’au risque de sous-diversification. L’indice ABEX peut être en retard sur l’inflation générale, une hausse brutale et inattendue des taux d’intérêt peut entraîner un effondrement des prix et la vacance peut affecter votre rendement locatif, tout comme l’incapacité à répercuter la totalité de l’inflation sur le loyer. Mais bien investir ne consiste pas à éviter le risque. Il s’agit de prendre les bons risques. En période d’inflation élevée et de faibles taux d’intérêt, les immeubles résidentiels à haut rendement énergétique financés à bon compte offrent un rapport risque/rendement intéressant. Et ceux qui ne se soucient pas de la volatilité des marchés boursiers peuvent éliminer bon nombre de ces risques en optant pour un véhicule coté, qui utilise lui-même le levier financier.

Jan Longeval

Jan Longeval

Senior Advisor at Eurinvest Partners