L’or reste une valeur refuge contre le chaos  

 

Jan Longeval est le CEO de  Kounselor Consulting et Senior Advisor chez Eurinvest Partners. Lors d’une entrevue avec Jurgen Vluijmans pour the Investment Officer (20th September 2022), Jan a partagé sa vision sur le thème du métal précieux par excellence: l’or. Son statut de valeur refuge mais également son positionnement tactique et sur du long terme.

 

20 septembre 2022, Investment Officer. Par Jurgen Vluijmans

 

Avec une performance positive de 5% (en dollar, 18% en euro) au début de cette année, l’or a écrasé tant les actions que les obligations, mais depuis son pic à 2 000 dollars l’once en mars, le prix de l’or a perdu des plumes. « Tant que les taux d’intérêt américains réels augmentent, je reste tactiquement sous-pondéré en or. « 

C’est ce qu’affirme Jan Longeval, consultant indépendant, conseiller principal chez Eurinvest Partners et également auteur de « Heavy Metal », un livre consacré aux métaux précieux et à la politique monétaire, dans une interview accordée à Investment Officer Belgium.  M. Longeval cite les taux d’intérêt réels positifs aux États-Unis comme l’une des principales raisons de la correction du métal jaune. Au cours des 150 dernières années, la corrélation entre le prix de l’or et les taux d’intérêt réels aux États-Unis a été de -0,82. Il existe donc une forte relation inverse entre les deux.

Dans le contexte d’une année médiocre à mauvaise pour les actifs financiers tels que les actions, les obligations et l’immobilier, M. Longeval met en avant un atout essentiel de l’or : l’absence de tout risque de contrepartie. L’or ne peut pas faire faillite et est donc considéré comme une valeur refuge, tout comme les obligations étatiques américaines. Etant un pays puissant sur le plan économique et militaire, mais aussi sur le plan monétaire, avec une dette émise exclusivement en dollars américains, les Etats-Unis ne peuvent donc pas faire faillite, à moins qu’ils ne le fassent volontairement. Après tout, les États-Unis ont le « Power of the Purse ». Un pays monétairement souverain peut créer autant de monnaie qu’il le souhaite par l’intermédiaire de sa banque centrale et n’a pas besoin d’augmenter les impôts ou de s’endetter au préalable. Ce pouvoir magique est appelé le « Power of the Purse ».

Les pays qui ont renoncé à leur souveraineté monétaire, comme tous les pays de la zone euro, ont donc également renoncé au « Power of the Purse ».  Ils ne sont plus en mesure de créer leurs propres monnaies et se retrouvent complètement dépendants de la Banque centrale européenne, qui a une marge de manœuvre monétaire plus limitée que la Fed ».

L’or, qui est sur la défensive depuis cinq semaines en réaction à une inflation américaine obstinément élevée qui fait grimper le dollar et les rendements des obligations d’État américaines, est tombé en dessous du support qui devient maintenant une résistance à 1680 $. Le marché est submergé par le momentum et la vente technique liés au risque d’une hausse de 1% des taux d’intérêt américains la semaine prochaine. En outre, le marché a continué de relever ses attentes quant à la hausse du taux des fonds fédéraux dans les mois à venir.

Ole Hansen, responsable de la stratégie « matières premières » chez Saxo Bank, a indiqué dans un document de recherche que les raisons de détenir de l’or en cas d’échec de la politique n’ont fait que se renforcer durant ces dernières semaines. Le risque que le FOMC plonge l’économie américaine dans une récession avant de maîtriser l’inflation augmente et, une fois que cela se produira, le dollar est susceptible de chuter fortement, soutenant ainsi une nouvelle demande de métaux précieux. Avant cela, l’or pourrait néanmoins continuer à souffrir sur base des niveaux techniques. En effet, avec une clôture hebdomadaire sous les 1 680 $, le marché pourrait viser le retracement de 50 % du rallye 2018-2020 à 1 618 $.  

Au plus bas depuis près de 2 ans et demi, l’or peine à trouver une défense contre le ton hawkish du FOMC, et à l’instar d’autres métaux d’investissement, tels que l’argent et dans une moindre mesure le platine, il pourrait continuer à souffrir jusqu’à ce que certains moteurs haussiers se renforcent. L’accent est maintenu sur les hausses des taux d’intérêt par le FOMC plutôt que sur les conséquences économiques de plus en plus inévitables de celles-ci – un risque mis en évidence cette semaine par la chute vertigineuse du titre de FedEx et la forte baisse des coûts d’expédition dans le monde entier. Selon nous, les récentes impressions de l’IPC (Indice des Prix Consommateur) peuvent indiquer des difficultés à ramener l’inflation américaine en dessous de 5-6%. Si le marché arrive à la même conclusion, il est probable que nous assistions à une forte correction à la hausse – et favorable à l’or -, les swaps d’inflation à terme prévoyant toujours une baisse à environ 3 %.

Dollars

Le Trésor américain peut donc faire imprimer des dollars à tout moment pour rembourser ses dettes en cours. En d’autres termes, le gouvernement américain ne peut faire faillite que s’il le veut.

Le taux d’intérêt réel américain à long terme a atteint son niveau le plus bas en août 2021, à -1,19 %. Il coïncide parfaitement avec le pic du prix de l’or de l’époque, autour de 2 000 dollars l’once troy ».

Entre-temps, le paysage financier a considérablement changé : la Russie a envahi l’Ukraine, les taux d’intérêt réels américains ont continué à augmenter et se situent aujourd’hui confortablement au-dessus de la barre des 1 %. Le dollar a augmenté de 13 % par rapport à l’euro depuis le début de l’année, ce qui constitue également un vent contraire pour le prix de l’or, du moins en termes de dollars. 

Non négatif

Jan Longeval recommande donc de tactiquement sous-pondérer l’or. Après tout, l’or est et reste une police d’assurance contre le chaos et comme nous l’avons déjà dit, sous sa forme physique, il ne présente aucun risque de contrepartie. 

« Avec le risque de récession qui augmente chaque jour, Poutine qui devient un chat acculé capable de faire des bonds étranges, et la menace d’un bras de fer à Taïwan, le risque de chaos et de troubles militaires augmente. Le passé a montré que la guerre et la récession économique bénéficient le cours de l’or », affirme M. Longeval. 

Philippe Gijsels, le stratégiste en chef de BNP Paribas Fortis, a également déclaré lors d’une récente interview qu’il restait un « orpailleur » et continuait à croire aux avantages de l’or à long terme, mais que le métal jaune pourrait perdre de son éclat à court terme.

Jan Longeval

Jan Longeval

Senior Advisor at Eurinvest Partners